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nnés, et on aimait bien aussi, mais c’était l’ancienne troc. Tout fonctionnait comme Chez Mme Manon, écouter
se retrouver. Même si plusieurs l’accordéon…
mois passaient entre les école. On le savait. Mais des ça, simplement. Ensuite les Cette carte de 1906, la vieille
visites. Il n’y avait pas les dame n’a nul besoin de la
voitures, et c’était très loin, gars qui avaient une certaine règles ont changé, les mai- regarder. Elle a certainement
Louis ou le village Kanger. dans ses souvenirs des amitiés
On y allait à pied et il classe, et puis de la morale sons, la mentalité… Regardez qui habitaient Nombakelé,
fallait rentrer le soir. Les Sainte Marie et Mont Bouët
seuls avec qui on ne s’en- aussi ». A commencer par les maisons, il y avait des sur les « hauteurs »… Sans
tendait pas trop, c’étaient doute y allait-elle par le
ceux de la Pointe. Ah ça l’esprit « quartier ». « Si bâtisses très belles, tout a sentier. La forêt commençait
non ! » Mme Izouret détourne juste là, passé les dernières
la tête, comme un soupçon quelqu’un été démoli. maisons. A un ou deux kilo-
de colère qui lui vient. «Mais mètres, il y avait encore des
quand on est rentré, ce s’en était « …Tout a été démoli. Pourquoi ? bicoques, plantées dans des
n’était plus ça. Il y avait le clairières. Les colons avaient
goudron, et beaucoup de pris à un Pourquoi ? C’est notre C’est notre appelé ça, les « Pindis », les
maisons en dur. Jusqu’ici, petit de chez histoire, notre ville. Il histoire, habitations des esclaves.
on construisait sur pilotis. nous, on met- n’y a plus aucune notre ville. Personne n’allait là-bas. On
C’était en planches, très tait le temps, mémoire de ce temps » Il n’y a plus passait son temps sur le bord
aéré, pas de barrière, et mais on le aucune de mer. On profitait de l’air
agréable à vivre. Tout le frais, de la marée montante,
monde se connaissait. Le retrouvait, et mémoire de du poisson fraîchement pêché.
samedi, on se retrouvait au Et samedi, on allait chez
maquis. C’était chez Madame il s’en souvenait ». Il y a ce temps. Les vieux, ceux Mme Manon, écouter l’ac-
Manon souvent. Il y avait cordéon. Mme Izouret et
aussi le Cercles des Métis, dans les mots de Célestin qui avaient toujours vécu Louis Etienne avaient tout
à l’emplacement de l’actuelle juste vingt-cinq ans. Sous la
CNSS. Là, vous ne rentriez cette même nostalgie. Depuis sur Glass, n’ont pas supporté. pétromax, ils dansaient. ■
pas comme ça. Il fallait être
des gens riches ou bien 1990, il tient avec son épouse Beaucoup sont partis. Du 41
avoir le teint clair. Et puis
on avait une boîte de nuit à Victorine, un petit restaurant, c ô t é d ’ O z a n g u é , d e
côté, qu’animait l’orchestre
Phénix. Il y avait beaucoup à quelques maisons de là. Mindoubé, ils ont fondé
d’ambiance. En début de
soirée, c’était les jeunes. Dans ce Glass urbain, com- d’autres quartiers. Ozangué ?
Ensuite les plus âgés, et
eux, ils allaient jusqu’au mercial, standardisé, il ne Tu étais assis devant ta mai-
matin. On venait, on écoutait
l’accordéon… ». se reconnaît plus. « Tout a son, et tu voyais à 200

« Il n’y a plus aucune vraiment basculé avec le mètres la personne qui appro-
mémoire de ce temps »
Parfois le week-end, quelques sommet de l’Union Africaine, chait. Glass, on ne s’y recon-
personnalités arrivaient au
maquis. Georges DamasAleka en 1976. Jusque-là, on avait naissait plus ». Mme Izouret
était du coin, tout comme
Louis Bigman, le président de vécu à l’ancienne. Tu avais secoue la tête. Ses yeux lui
l’Assemblée nationale en 1961.
Tout le monde se connaissait. le manioc, j’avais le poisson font mal et sa mémoire plus
Le gendre de Mme Izouret,
Célestin, le confirme: « il y ou la viande, on faisait le encore.
avait bien quelques voyous
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