France/ Trafic des médicaments : Des saisies de faux médicaments confirment l'ampleur du fléau

LE trafic de faux médicaments progresse en Afrique, comme le montre une opération d'envergure de l'Organisation mondiale des douanes (OMD) baptisée "Biyela 2" (encerclement en zoulou), qui a permis l'interception au printemps de 113 millions de produits illicites.

Les résultats des saisies, entre fin mai et début juin dans quinze ports maritimes d'Afrique de l'Est, de l'Ouest et du Sud, ont été présentés lundi à Paris par l'OMD et l'Institut de recherche d'anti-contrefaçon de médicaments (Iracm), partenaire de l'opération.

"Le nombre d'interceptions réalisées durant cette opération démontre une fois encore l'ampleur du fléau des produits pharmaceutiques illicites et contrefaits en Afrique. La réponse tient en un mot: une coopération renforcée", a commenté le secrétaire général de l'OMD, Kunio Mikuriya.

Après "Vice Grips 2" en 2012, puis "Biyela" en 2013, "Biyela 2" est la troisième opération d'envergure menée en Afrique par l'OMD.

En dix jours, 113 millions de produits pharmaceutiques illicites et potentiellement dangereux ont été interceptés par les douaniers, principalement au Bénin, en Tanzanie et en République démocratique du Congo.

"Le coût élevé des médicaments vendus en pharmacie, la tradition du marché de rue, véritable aspirateur du trafic international, et l'absence de législation dissuasive pour les trafiquants au-delà de simples amendes ou de faibles peines de prison", font de l'Afrique un terreau idéal, souligne Bernard Leroy, directeur de l'Iracm.

"On note une montée en puissance des médicaments originaires d'Inde", d'où provient 90% de la marchandise interceptée lors de l'opération, relève M. Leroy. La Chine, "plus gros producteur de matières premières pour la fabrication de médicaments", est loin derrière avec seulement 5%, ajoute-t-il.

PLUS RENTABLE QUE LA DROGUE ET LE TABAC*

Plus de la moitié des médicaments saisis appartiennent à la famille des traitements de première nécessité (antalgiques, anti-inflammatoires, antibiotiques). Une autre part importante concerne néanmoins des traitements de fond, tels que les anti-tuberculeux (17%).

Pour la première fois, un trafic significatif de produits vétérinaires illicites a été détecté: plus d'un million d'injectables au Bénin, plus d'un million de comprimés et d'ampoules au Mozambique, et plus de 100.000 injectables au Togo.

Élargissement du catalogue de produits illicites, imitations de meilleure "qualité", techniques de fraude toujours plus élaborées: autant d'indices qui soulignent la "progression continuelle" du trafic de faux médicaments, note l'OMD.

Au total, près de 756 millions de produits pharmaceutiques illicites et/ou contrefaits, d'une valeur estimée à plus de 370 millions de dollars (287 millions d'euros), ont été interceptés, souligne l'OMD.

Pour les trafiquants, l'appât du gain est puissant. "Pour 1.000 dollars investis, le bénéfice généré peut atteindre jusqu'à 500.000 dollars", soit un ratio supérieur aux trafics de drogue ou de tabac, explique M. Leroy.

"Notre gros problème reste le chiffre noir", reconnaît M. Leroy. "Toutes les chiffres qui circulent sont souvent établis au +pifomètre+. On est seulement en train de découvrir le phénomène. Il faudrait pouvoir réaliser ce type d'opération sur une année entière, mais nous n'en avons pas les moyens", regrette-t-il.

"Nous avons affaire à des voyous, des mafieux, des trafiquants sans scrupules. Il est impératif que l'ensemble des autorités nationales et internationales en prennent enfin conscience et se mobilisent pour protéger la vie des patients", a-t-il demandé.

En 2010, l'OMS avait estimé à 700.000 le nombre de patients victimes de médicaments contrefaits, notamment contre la malaria et la tuberculose.

AFP

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