Face à la flambée épidémique : l'heure de vérité

Face à la flambée épidémique : l'heure de vérité

LA solennité du message et la gravité du ton n'ont échappé à personne

LA solennité du message et la gravité du ton n'ont échappé à personne. Ni le moment choisi pour les exprimer. C'est à une heure de grande écoute, vendredi, sur la télévision publique, que la Première ministre Rose-Christiane Ossouka-Raponda s'est adressée aux Gabonais pour leur montrer, avec une forme de dramatisation parfaitement compréhensible, combien "la situation est grave", du fait d'une seconde vague de la pandémie de Covid-19 se caractérisant par une augmentation "dramatique", et au quotidien, du nombre de contaminations, d'hospitalisations et de patients admis en réanimation.

La preuve, par les chiffres, en a été donnée peu auparavant ce même vendredi. D'abord par son ministre de la Santé, Guy-Patrick Obiang-Ndong. Rien qu'au cours des deux derniers mois, le Gabon a enregistré plus de 4 000 nouveaux cas positifs au coronavirus, soit le tiers de l'ensemble des contaminations de mars à décembre (L'Union" du week-end). Avec, à la clé, davantage de "personnes présentant des détresses respiratoires" et un nombre tout aussi important d'autres "hospitalisées avec des atteintes pulmonaires".

Ensuite, à travers le tableau de bord de l'épidémie communiqué tous les deux-trois jours par le Comité de pilotage (Copil) du plan de veille et de riposte contre le coronavirus. À la date du 19 février, 446 nouvelles infections ont été enregistrées. Soit presque deux fois plus que l'avant-veille (242), certes à partir d'un nombre de tests de dépistage sensiblement différent (9 396 le 19 février contre 6 487 le 17). Ce qui, au passage, révèle une vérité de La Palice : plus on teste, plus on enregistre de cas. Et laisse ouverte l'hypothèse d'un nombre de contaminations plus élevé que celui qui est affiché par le Copil.

On est bien loin des chiffres de décembre – en deux jours, entre le 26 et le 28, par exemple, seuls 13 nouveaux cas positifs, 3 hospitalisations, autant de patients en réanimation et aucun décès avaient été recensés – qui témoignaient d'une maîtrise de l'épidémie. On dénombrait alors 90 cas actifs et 64 décès dus au coronavirus. Moins de deux mois plus tard, nous en sommes respectivement à 1 216 et 75.

C'est, évidemment, en considération de cette réalité-là qu'un premier tour de vis aux restrictions sanitaires avait été donné par le gouvernement le 23 janvier, puis un second le 12 février. Avec, en particulier, ce couvre-feu entrant désormais en vigueur dès 18 heures et qui cristallise bien des mécontentements aujourd'hui.

En cela, l'intervention de la cheffe du gouvernement n'avait, non plus, rien de fortuit. Au bout de presque un an de pandémie, une partie de la population considère que le seuil d'acceptabilité des restrictions qui lui ont été imposées pour en limiter la propagation est dépassé. Mercredi, répondant à des appels sur les réseaux sociaux, des Librevillois, notamment, se sont lancés à partir de 20 heures dans un concert de casseroles particulièrement bruyant.

Des manifestations de protestation qui, débordant le lendemain sur la voie publique – et en violation précisément du couvre-feu –, ont malheureusement dégénéré en drame (deux morts) pour lequel la locataire du 2-Décembre a confirmé l'ouverture d'une enquête de justice.

Nous voilà au cœur de l'enjeu des prochains jours et des semaines à venir : devant la flambée des cas de contamination rendue plus dangereuse encore par la présence sur notre sol du variant anglais – et l'épidémie touche de nouveau presque l'ensemble de nos provinces –, accepter individuellement et collectivement, au prix d'un ultime coup de collier et de sacrifices communs, des contraintes qui, jusqu'à la fin de l'année dernière, ont permis une (relative) maîtrise de la pandémie de Covid-19, amenant d'ailleurs le gouvernement à des mesures d'allègement des restrictions.

Mais pour cela, les Gabonais ont aussi besoin d'un message d'espoir, que n'a, au demeurant, pas manqué de délivrer Rose-Christiane Ossouka-Raponda. D'une part, en évoquant les modélisations faites par le Comité scientifique : moins de 50 contaminations quotidiennes à l'horizon de la mi-mars qui autoriseraient de nouvelles mesures d'assouplissement. Et, d'autre part, les progrès dans les démarches pour acquérir, à brève échéance, un vaccin. De quoi engager une campagne vaccinale qui ouvrirait bien des perspectives.

Autant dire qu'on aurait tort de développer des comportements propices à une épidémie hors de contrôle, au moment même où l'OMS se félicite d'une baisse des cas d'infection à l'échelle mondiale

Intervenant à la télévision vendredi en prime time, la Première ministre Rose-Christiane Ossouka-Raponda a situé, avec gravité, l'enjeu des jours et des semaines à venir autour de la lutte contre le fort rebond des infections au Covid-19, alors que s'installe la lassitude, voire le ras-le-bol, vis-à-vis des restrictions en vigueur depuis bientôt un an.



MBA ASSOUME



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